La naissance d'un bronze

La plupart des œuvres de Moirignot, réalisées en plâtre, ont été fondues en bronze suivant la technique plus que millénaire de la cire perdue. Cette méthode est si complexe que beaucoup d’amateurs l’ignorent. Conscient de cette méconnaissance, Moirignot avait lui-même écrit un long texte sur la fonte. Nous en reprenons ici les grandes lignes.

Le but de l’opération est de transposer en bronze l’œuvre en plâtre sans en perdre les détails qui sont sa sensibilité. Très didactique, n’oublions pas qu’il était aussi professeur, Moirignot commençait par expliquer le principe : "Il vous est arrivé, sur une plage de sable fin et humide, de prendre l’empreinte de votre main et d’être étonné de sa précision. Vous avez pris le revers. Qui vous empêche de prendre l’envers, puis les profils ? Vous auriez ainsi en creux, tout le moulage de votre main. Voilà, c’est la naissance du métier de fondeur."

 Première opération : l’élastomère. On réalise un moule en négatif dans cette matière souple et imputrescible appelée élastomère. Ce moule est pris lui-même dans une gangue rigide de plâtre appelée la chape. Le moule négatif est constitué, comme l’empreinte de la main sur le sable par ses deux faces, postérieure et antérieure. 

Deuxième opération : la cire. Le mouleur badigeonne de cire l’intérieur des deux empreintes du moule. A l’aide d’un pinceau il applique la cire sur 2 millimètres. Puis il réunit les deux parties. Nous avons alors sur l’extérieur la chape, puis sur l’intérieur l’élastomère, l’écorce de cire ainsi appliquée et au cœur un vide que le mouleur remplit alors d’un noyau composé de plâtre, de silice et d’eau. Quand le noyau est solidifié, on ouvre le moule : paraît la statue en cire, à l’intérieur de laquelle se trouve le noyau dur. A ce stade, le sculpteur retouche la cire , signe et numérote à l’aide d’un stylet chauffé. Puis il donne le droit de tirer.

 Troisième opération : l’attaque. Le maître fondeur pique des pointes dans la sculpture, les laissant dépasser, comme un jeteur de sorts. Ces pointes serviront à fixer le noyau au mélange de terre réfractaire, de silice, de plâtre et d’eau dont il va bientôt recouvrir l’ensemble. Avant cette opération il place des bâtonnets de cire qui relient les extrémités de la sculpture à sa tête ou ses pieds. Ce sont les jets et les évents, destinés à faciliter tant l’évacuation de la cire, que la coulée rapide du bronze en une seule fois. Jets et évents placés, le fondeur recouvre l’ensemble de mélange réfractaire. La sculpture semble un gros cocon de plâtre avec une ouverture en haut et une ou plusieurs en bas.

 Quatrième opération : le four. L’ensemble est placé dans un four dont la température monte à 600°C. La cire fond et s’écoule hors du moule en laissant un vide entre le noyau dur et l’élastomère. Ce vide sera bientôt occupé par le bronze.

Cinquième opération : la coulée. Le moule est mis en terre, laissant seulement paraître l’orifice supérieur par lequel sera versé le métal en fusion. Ce métal, alliage de cuivre, pour au moins 60%, d’étain, de zinc et de plomb est porté à 1010°C environ, puis versé d’un seul jet par l’orifice. Il remplit alors tous les vides sur 2 millimètres d’épaisseur. Il faut noter que le métal se rétracte légèrement par rapport à l’original en plâtre. C’est ainsi qu’on détecte les surmoulages. 

Sixième opération : le démoulage et la ciselure. Après refroidissement le moule est cassé au marteau et au burin. On nettoie la sculpture encore emprisonnée dans les jets et les évents transformés eux-aussi en bronze au cours de la fonte. Le ciseleur coupe les jets et les évents au ras de la sculpture et retire les clous. Ainsi il efface toutes les traces laissées par l’appareillage d’armatures inhérent à la fonte.

Septième opération : la patine. Le patineur lave le bronze à l’eau bicarbonatée ;  la pièce reprend alors la couleur rouge-jaune foncé qui lui est naturelle. Il applique alors au pinceau différents acides suivant la couleur qu’il veut obtenir. La patine est en effet une oxydation du métal. Il lave à l’eau largement quand il veut interrompre le processus et sèche la pièce soit au chalumeau soit à l’air chaud. Il renouvelle plusieurs fois l’opération jusqu’à obtention de l’effet désiré. Il ne reste plus qu’à frotter la sculpture avec un chiffon de laine pour obtenir le brillant qui fait valoir le modelé. La sculpture a l’apparence que vous voyez à celles de l’exposition.

Moirignot aime le bronze

Il est un des artistes du XXème siècle qui aura la plus large oeuvre en bronze. Ce métal, tout froid qu'il puisse paraître, correspond à ses attentes, lui permet des audaces stylistiques, de la légèreté, des vivacités qu'aucun autre matériau ne peut offrir.

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