La fonte à la cire perdue
A l’occasion de l’exposition présentée en novembre 2019 à la fonderie d’art de La Plaine, le fondeur Alexandre Jeanjean nous explique, étape par étape, comment se déroule la fonte d’un bronze de Moirignot.
A partir du plâtre original, il faut compter un délai de trois semaines à un mois pour obtenir un nouveau tirage en bronze. Le travail en fonderie se décompose en plusieurs étapes.
Moulage en élastomère à partir du plâtre
A partir du « positif en plâtre », le fondeur fabrique un moule qui constitue son « négatif en élastomère ». L’élastomère à l’état liquide est appliqué au pinceau, par couches successives, sur les deux moitiés (avant et arrière) du plâtre. Une couche de tissu de Verrane, à base de fibres de verre, est ajoutée pour renforcer le silicone.
On obtient ainsi un moule résistant et souple - en deux parties - qu’on enferme ensuite dans une chape en résine pour unir le tout. Grâce à un catalyseur, le moule se solidifie progressivement autour du plâtre dont il va épouser exactement la forme. L’ajout d’un démoulant évite à l’élastomère de coller au plâtre. On va ensuite retirer la chape puis dégager le plâtre de son moule en élastomère.
Tirage en cire à partir du moulage en élastomère
Toujours soutenu par la chape en résine, le moule en élastomère est ensuite ré-utilisé pour créer un « positif en cire ». A l’aide d’un pinceau, le fondeur tapisse l’ensemble du moule (équivalent à l’empreinte en négatif de l’œuvre) d’un millimètre de cire chaude.
Une fois la fine couche de cire appliquée, le moule est refermé bord à bord dans la chape de résine. L’ensemble est retourné – tête en bas - pour remplir le moule d’une nouvelle couche de cire chaude, de 2 à 3 millimètres d’épaisseur. En remettant le moule à l’endroit, l’excédent de cire s’échappe. Le reste se solidifie. On obtient un positif de l’œuvre en cire dont l’intérieur est creux.
Retouches du tirage en cire
Une « couture » de démarcation entre les deux moitiés du moule est visible tout le long de la pièce. Le fondeur vient gommer cette couture avec des outils qu’il chauffe à la flamme. Il améliore les finitions de la pièce en cire pour restituer encore plus fidèlement la texture du modèle en plâtre.
A ce stade de la production, l’artiste est convié à la fonderie pour vérifier le travail de retouches et signer la cire. Il peut décider d’effectuer lui-même quelques retouches supplémentaires avant de donner son « bon à tirer ».
Système d’alimentation et moulage en plâtre
Une fois le modèle approuvé par l’artiste, on installe sur la pièce un système d’alimentation constitué de tuyaux et évents en cire qui – au moment de la coulée – vont permettre au métal de cheminer pour nourrir la pièce. A terme, le métal est destiné à prendre la place de la couche de cire.
Avant la coulée du bronze, on entoure l’ensemble (le tirage en cire équipé de son système d’alimentation) d’un cylindre de maintien dans lequel le fondeur va couler du plâtre réfractaire. Le plâtre remplit le cylindre. Il épouse à la fois l’extérieur et l’intérieur de la pièce en cire creuse.
Tout d’abord, le plâtre se solidifie autour du « positif en cire ». Puis le cylindre est mis au four. La cire fond à environ 180°C et s'écoule. Elle laisse place ainsi à un vide. C'est dans ce vide qu'on coulera le bronze. Préalablement, il faut encore une longue cuisson du plâtre sur plusieurs jours : sa température doit en effet monter par paliers jusqu’à 750°C.
Coulée du bronze dans le moule en plâtre
Au moment de la coulée, le cylindre est retourné (tête en bas). Tout l’espace vide - occupé au préalable par la cire – se remplit de métal en fusion chauffé à environ 1160 °C. Le métal remonte jusqu’au socle et l’air s’échappe grâce au système d’évents.
Ensuite, on ouvre le cylindre de maintien et on casse le moule en plâtre pour libérer la pièce. On obtient un brut de fonte : un bronze hérissé de canaux d’alimentation aussi appelés « jets d’alimentation ». Ces jets sont coupés. Le bronze est passé au nettoyeur à haute pression pour éliminer tous les restes de plâtre qui encombrent l’extérieur et l’intérieur de la pièce.
Ciselure et patine
Après le nettoyage de la pièce, le travail de ciselure peut commencer pour retrouver le modelé original de l’œuvre. L’artiste (ou à défaut un de ses ayants-droits) est de nouveau convié pour valider le rendu final et choisir la patine. La dernière étape consiste à colorer la pièce par "oxydation" à l'aide d'acides appliqués au pinceau (généralement à chaud).
L'œuvre de Moirignot est constituée de nombreuses pièces minutieuses, très filiformes, qui nécessitent une vigilance extrême de la part du fondeur. Au moment de mettre les broches, il faut veiller à ne pas casser le noyau particulièrement fragile.
Alexandre Jeanjean, fonderie de La Plaine.